http://www.alacriee.org/ C'est le printemps ! Si on allait faire un petit tour au cimetière ? à la criée vous invite à rejoindre son groupe de lecteurs pour une lecture au cimetière. Enterrements, morts (vivants ?), zombies, profanateurs de sépultures, fleurs et couronnes... Renseignements et tutti quanti : a.la.criee@free.fr Lire au cimetière Gaëlle est déjà là.
Plasticienne, céramiste elle a fondé l'association Big Bang
Mémorial qui souhaite rendre les cimetières vivants. A la
Bouteillerie, on y plante fleurs et romarin, on y crée des tombes
potagères, on invente des visites créatives du lieu...
Solange arrive, le groupe de
lecture est au complet.
Gaëlle nous fait visiter le
cimetière qu'elle connaît comme sa poche, vu qu'elle y habite un
peu. Elle a acheté une concession pour 15 ans. Sa tombe est là au
carré Z, pour l'instant vide, et plantée de blettes encore
comestibles. Dans le carré Z, il y a une table et deux chaises pour
se reposer, des fleurs et puis, ici, entre voisins, on s'entraide. La
famille d'en face ne peut pas se déplacer, alors on entretient la
tombe, on la fleurit.
On continue la visite. Les fleurs
plantées l'année dernière ont poussé. Dans cette partie du
cimetière, plus de pesticide mais des fleurs, du romarin, de
l'herbe. Va falloir s'y habituer, la vie dans un cimetière. Quelques
tombes : il y a celle-ci, recouverte d'une bâche couleur de
ciel nuageux (cumulus, beau temps). Une bâche sur une autre tombe,
celle-ci imprimée d'un dessin de la défunte : croquis d'une
terrasse de café où on la voit assise avec son chien et la vie tout
autour. Il y a la tombe d'un artiste peintre, pas de marbre, du
lierre, sur la proue, une sculpture d'un cochon monté d'un troll.
Sur la stèle pleine de lierre, une palette. Il y a la tombe du
créateur de l'émission jeunesse Le manège enchanté, pas
de marbre, du métal émaillé. Pas de messages éplorés d'une mère,
d'un fils, d'une cousine. Écrit en grand sur la dalle « Le
manège enchanté » et sur la stèle, Pollux, le chien à poil
long, pleure.
Au centre du cimetière, un
immense carré militaire de la première guerre mondiale, près de
deux-mille tombes, des soldats du monde entier et même parmi eux
deux (ou trois ?) femmes. Derrière, le long d'un mur, 226 allemands
enterrés par trois, prisonniers de la première guerre, morts en
France. Parmi eux, un allemand qui a combattu côté français,
d'abord enterré au centre puis rapatrié avec ses compatriotes dans
le fond. On ne mélange pas les torchons et les serviettes.
On passe devant un ossuaire recréé
par Gaëlle : une immense surface couverte de plantations et de
fleurs en céramiques sauvées de l'incinération. On constate plus
loin que le deuxième ossuaire est beaucoup moins beau.
On s'arrête au carré Y. Pas de
tombe, de l'herbe, des fleurs violettes au goût sucré. Gaëlle me
déconseille de les manger, rapport aux pesticides qui continuent à
être répandus dans cette partie du cimetière. On s'assoit. La
lecture débute. On y trouve un cimetière vénitien, une balade
demain dès l'aube à l'heure où blanchit la campagne, une visite
des cimetières berlinois où l'on croise Brecht, Wittgestein ou Rosa
Luxembourg, des lutins, lucioles, feux follets qui boivent force
champagne, Marina Koubalghaï qui récite sa litanie sur la mort du
courageux Artiom Vessioly et trois résidents du cimetière de Spoon
River qui nous racontent leur vie et bien sûr leur mort.
La lecture finie, on remonte le
cimetière par l'allée des grandes familles et grands monuments
funéraires aux allures de bâtisse ou de cabanon de jardin. On
glisse un œil par les fenêtres. Il est 20h. On sort. Requiescat
in pace. Isabelle Lesquer
Texte : © Isabelle Lesquer
Bibliographie
Demain, dès l'aube, à l'heure
où blanchit la campagne in
Les Contemplations Victor Hugo,
1856, Poésie Gallimard. Poème.
Champagne,
album Champagne pour tout le monde,
Jacques Higelin, 1979. Chanson.
Le Guide vert, Berlin,
éditions Michelin. Guide touristique.
Des anges mineurs,
Antoine Volodine, 1999, éditions Points. Nouvelle.
Spoon River, Edger
Lee Master, 1914-1915, éditions Othello. Poèmes. |